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micro-fictions

je n’aurais jamais cru ça possible

Je n’aurais jamais cru ça possible : que le taxi dans lequel vous êtes monté subisse une crevaison. Ni ce qui a suivi d’ailleurs. J’ai préféré rentrer à pieds malgré la proposition du chauffeur d’appeler un de ses collègues. Marcher me ferait du bien après toutes ces heures de train. Et puis je n’étais pas chargé. Juste mon petit sac à dos avec deux ou trois bricoles. Mes cours, mon ordi, quelques bouquins. J’ai remonté le boulevard de Chateaudun jusqu’à hauteur du commissariat. Une bagnole de flics sortait, gyrophare et sirène. J’ai hésité à aller prendre un verre au comptoir du Narval. Un peu d’alcool ne m’aurait pas fait de mal après une journée pareille. Levé à cinq heures, trois heures de train aller, six heures de cours puis rentrer... Il faudrait bien que je me décide à déménager un jour. Plus tout jeune désormais. Je ne pourrais pas toujours tenir ce rythme-là . J’ai renoncé à entrer au Narval. J’aurais sans doute mieux fait. Mais un tel coup de barre tout à coup. Je serais mieux chez moi. J’ouvrirais une bouteille. Je me ferais livrer par le Chinois d’à côté. Je soufflerais enfin. C’était du moins ce que je croyais. Arrivé dans la venelle du Midi, j’ai eu comme un étourdissement. Il faudrait bien que je me décide à quitter cette ville un jour. Certes il y avait tous les souvenirs qui s’y attachaient. C’était ici que j’étais né, que j’avais poursuivi mes études. Dans cette maison que j’avais passé vingt ans avec Hélène. Ce serait pas simple de laisser tout à§a derrière soi. Si au moins j’avais pu récupérer ses cendres et les emmener avec moi. Mais la loi l’interdisant... En arrivant devant la grille du jardin, j’ai marqué un temps d’arrêt avant de sortir les clés de ma poche. J’étais bien fatigué pour avoir laissé les lumières dans la cuisine. Il me semblait avoir tout éteint. Et les volets ? Je les aurais donc ouverts, sachant que je rentrerais à la nuit tombée... J’ai repensé à la voiture de flics qui partait tout à l’heure. Commencé à échafauder l’hypothèse d’un cambriolage. Mais non, la porte d’entrée était fermée à clé. Aucune trace d’effraction. J’ai posé mon sac dans l’entrée et suis allé chercher une bouteille à la cave. C’est en entrant dans la cuisine, essoufflé par l’ascension de l’escalier, que j’ai commencé à comprendre ce qui m’arrivait. Elle était là , assise à la table. À sa place habituelle, le dos à la fenêtre. Elle me souriait. Parler de choc serait ridicule. J’en avais le souffle coupé : comme si le sol s’était dérobé sous mes pieds. Ainsi elle était revenue. Ainsi il était temps de partir.

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