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au fil des jours

décades - extraits #2

Je suis né par temps froid, au lendemain d’une tempête de neige qui a bloqué Paris. La douceur angevine limitait en partie l’impact – moins un le 11 janvier à Angers, moins 10 le 19. Quelques jours plus tôt, des vents avaient battu les côtes bretonnes et normandes à plus de 100 kilomètres heure. Mais la météo ne fait plus signe : loin de nous l ?îlot battu par la tempête atlantique, François-René vagissant. C’est d’ordinaire et d’infra qu’il est question ici.
La météo a certes eu trait à l’à venir pendant mon enfance, mais humblement. Moins tardive qu’aujourd’hui, elle était ce moment-clé à la fin du repas et du journal de vingt heures, ce suspens tandis que la table était débarrassée et que la vaisselle commençait : silence imposé par la voix paternelle pendant la prédiction du jour. L’imprévu avait perdu un territoire supplémentaire, le discours convenu, au vernis scientifique, gagnait jusqu’à la couleur du ciel.
Parole d’experts en fatum, comme bientôt celle des économistes.
La météo n’était pas encore synonyme de réchauffement climatique. Elle n’apportait aucun parfum d’apocalypse. Elle se contentait de creuser un peu plus le silence.
Je ne parviens pas plus à transformer en signe la météo que cette image offerte par le web :

Marseille, janvier 1966. Au bout d’un treuil, balancé entre sangles, pattes raides et tête en mouvement, le débarquement d’un cheval mort de froid. Vingt fois l’opération se répétera. à€ vingt reprises hisser hors du cargo les carcasses, les décroche dans un camion. Corps qui s’enchevêtrent avant équarrissage, pendant que soi, encore au chaud au creux d’un ventre...
Rien d’un signe. Pour cela, il aurait fallu apprendre à croire en sa place au monde. En sa venue.
Il devait faire froid dans la deux chevaux. Premier tour en ville emmitouflé, emmailloté. Le frère de ma mère qui sera venu, le seul de la famille alors à posséder une voiture. Qui me tenait dans ses bras ? Pas sûr que mon père ait pris sa demi journée à l’usine.
La maison était chauffée au charbon. Vague souvenir du tas dans une pièce au sous-sol, menaçante parce que sans fenêtre, et ce tas noir.
Beauté de la clarté sonore que permet le froid, netteté des pas qui résonnent chez Simenon ou dans Le grand Meaulnes. Leurs voix disaient quoi, si nettes ? Quelles silhouettes de mots s’offraient à mes oreilles ?
Moins d’un kilomètre de la rue Salbérie à celle du Chemin vert. La rue Salbérie étant à sens unique, nous n’avons pas pu emprunter la rue des Bons Enfants. Nous avons ûpasser par la place Travot, puis le boulevard Gustave Richard, et croiser le boulevard Victor Hugo à hauteur de la place de la République.
Place de la République : une place de l ?Étoile miniature. Au centre, sur un socle en granit, le monument aux morts de la guerre de 1870. Victoire ailée portant un homme nu à l’épée brisée. Gloria Victis.
À quelques centaines de mètres, perpendiculaire à la rue du Chemin Vert, la rue de Verdun.
Les plans sont eux aussi machines à temps et à mémoire.

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