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entre deux | notes

détachement

Ville de chantiers, de constructions navales, de bateaux en partance, ville détruite, ville d’estuaire où les choses passent et repassent, les yeux tournés vers le large, tournant le dos aux marais qui l’isolent des terres, ville de béton, de bassins et d’eau, par nécessité donc, Saint-Nazaire cultive un joli jeu : celui du détachement. Détachement pour les objets d’ici-bas, trop terriens, trop fixes et trop pérennes, tous ces objets pas assez mobiles dans le temps et dans l’espace. A Saint-Nazaire, il faut apprendre à dire au revoir aux palais flottants que les hommes d’ici construisent, à ces quantités de matières travaillées, mises en chantier puis assemblées. Il faut laisser partir ces monuments comme des morceaux de ville, les laisser glisser lentement dans les eux de l’estuaire puis disparaître et ne jamais reparaître à l’horizon. A Saint-Nazaire, il a fallu dire adieu au vieux village accroché au rocher. A Saint-Nazaire, il a fallu dire adieu à la ville d’avant guerre. Ce n’est pas rien. A Saint-Nazaire, les vielles pierres n’encombrent pas les rues. A Saint-Nazaire, les choses sont dans la tàªte, dans la mémoire, un peu plus légères et flottantes qu’ailleurs. A Saint-Nazaire, il faut apprendre à ne pas trop s’attacher. Tout peut partir, vous quitter demain. La ville elle-màªme, pràªte à se détacher du continent, à larguer ses amarres, lever l’ancre.
Bureau de la main-d ?œuvre indigène, L’art du détachement, in Cet estuaire qui n’existe pas, 66 fragments pour une déambulation littéraire dans l’estuaire de la Loire, éditions Bardane.

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