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entre deux | notes

casse autos

à€ l ?entrée de la casse automobile [1], les chiens-loups tiraient sur leurs chaînes. Ils étaient deux, molosses hirsutes. Ne les approchais pas. Demeurais sur le siège gris de la 403 du tonton. Un vrai plaisir que de monter dans celle-ci. Parce que le gyrophare sur le toit. Tout orange. Petit bout de toit sur la cabine aux deux sièges. Gyrophare sur le bord droit, fil électrique qui descendait maintenu au Chatterton ; au beau milieu du toit, hilare Bibendum [2] Michelin. A l ?arrière du plateau, la flèche d ?un trépied avec palan. Chaîne lourde y soulever les voitures. Et tout un barda de barres de remorquage. Un bordel duquel ne rien savoir. Sinon que pour tirer les voitures des fossés. Celles qui parfois venaient s ?empiler à la casse. Ces grands tas de voitures toutes les unes sur les autres. On les apercevait de l ?entrée. Là où on garait la 403. Et puis de la nationale, aussi, on les voyait. En allant à l ?école, le matin. Là , c ?était l ?ID qu ?on prenait. Des fois, une DS 21. Elles changeaient les voitures. Rejoignaient la casse, elles aussi. Quand ne méritaient pas màªme passage au marbre. à‡a aussi, jamais su trop ce que c ?était. Mais l ?opération magique des pierres lisses et dures pour redonner formes. On a les mythologies qu ?on peut. On ramasse des bouts du réel et puis on forge à l ?intérieur. On transmue avec le flou qu ?on a cru digne d ?àªtre collecté. Parce que sonnait bien à nos oreilles. Ou bien qu ?une belle image. Le marbre qui ressuscite, c ?était quand màªme pas mal. Tellement mieux que dalles pour cimetières.
Auprès de l ?entrée de la casse, il y avait une sorte de bungalow qui ressemblait aux maisons des westerns. On aurait dit des rondins, le matériau des murs. De l ?imitation, sà »rement. Début des années 70, on aimait tellement à§a le simili. Un équivalent du ska௠ou du formica mais pour la construction. Dedans, j ?y suis jamais entré. Je devais me contenter de la faà§ade, avec une sorte de balcon auquel on accédait par quelques marches en bois. Comme dans les westerns, vraiment. Manquait plus que le rocking chair. Surtout qu ?au dessus de la porte, il y avait un écriteau avec un arrondi circonflexe sur la partie supérieure, pour faire joli à la faà§on des enseignes de saloon. Un truc écrit en anglais. Mais à l ?époque, j ?en connaissais pas grand-chose de la langue anglaise. Mis à part western, justement, saloon, cow-boy et mamie blue, c ?était pas suffisant pour identifier ce qu ?était écrit là -haut. J ?aurais pourtant eu le temps de déchiffrer, l ?enseigne. Parce que, le temps d ?expliquer la pièce dont il y avait besoin pour un client, le temps d ?aller chercher s ?il y avait une voiture du bon modèle, et puis le temps après de la démonter la pièce, à§a laissait de la marge. Du temps pour observer, assis sur le siège gris de la 403. A regarder le volant cranté bosselé. Couleur d ?os qu ?il était. Et puis les clés qui traînaient par terre à mes pieds. Un ou deux chiffons pleins de cambouis. Et les deux chiens-loups qui tiraient sur leur laisse. à‡a cliquetait chaque fois qu ?ils avanà§aient. Les emmàªlaient, leurs chaînes, des fois. Pour rien au monde, je serais descendu. Trop la trouille des molosses. Et puis c ?était dangereux ces tas de bagnoles brinquebalants. Aurait suffi d ?une qui glisse. Des chà¢teaux de cartes. Parce que plus trop à§a, la casse, à l ?époque. Plus comme du temps du père. Oubliaient de l ?appeler, le gars qui venait avec son camion pour tout compresser. Oubliaient màªme de faire payer les clients. Plus simple d ?aller au bungalow de l ?entrée. Le bureau, en fait. Avec de quoi faire les factures. Et puis un bar aussi. Alors boire une bière ou deux. Quand ils ressortaient, ils tachaient de trouver un bout d ?avant bras sans trop de cambouis pour se passer un coup sur les lèvres. Et puis souriait le tonton, avec sa pièce en main ou dans une boîte en carton. Quand c ?était plus gros ou qu ?il y avait tout un tas d ?écrous et de boulons, de tiges filetées. Moi j ?y connaissais rien à tout à§a. Pas plus maintenant, d ?ailleurs. Les chiens, ils remuaient de la queue et ils gueulaient quand ils passaient près d ?eux. Dos des cottes maculées de cambouis et de poussière. Portière qui claque. Démarrer. Une tirette, il me semble. Et le levier de vitesse blanc crème au volant. Les pneus patinaient un peu sur le gravier. Quand on repartait sur la petite route, les barres à l ?arrière, elles s ?entrechoquaient au passage des vitesses. Le moteur braillait pas, non. Juste lui faire donner tout ce qu ?il avait dans le ventre.

Notes

[1Autre casse autos en mémoire, via la télé cette fois. Première fois sans doute qu’entendu Trust. Dans mon souvenir, énergie rock associée à la violence — à regarder aujourd’hui, la mise en scène paraît bien gentille, artifice pas bien au point.

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