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notes de chevet

emménager dans un gîte rural

emménager dans un gîte rural, avoir d’abord fait le tour des pièces avec le ou la propriétaire, en général la, avoir assuré qu’on a trouvé facilement, sans rien dire des hésitations dans les derniers kilomètres, quand sur la route étroite au milieu des champs l’impression de s’être égaré, comme un début de lâcher prise, le sentiment informulé qu’on pourrait continuer de rouler ainsi, ne jamais parvenir nulle part, n’en ressentir aucunement le besoin — les clés t’ont été remises, laissées sur la porte ou déposées sur la toile cirée de la table, tu les as glissées dans une poche de ton manteau, attachées à un porte-clé où tu voudrais deviner un peu de la vie d’un autre, mais souvent rien que l’empreinte locale — sur le seuil, avant de partir, on t’a expliqué que cette maison était celle de parents aujourd’hui décédés, que celui ou celle qui t’a accueilli (ou son mari/épouse) y a passé son enfance et son adolescence — il ou elle habite maintenant la maison neuve auprès, ou maison moderne, celle qu’on a forcément aperçue en arrivant, éloignée des bâtiments de la ferme tandis que le gîte les jouxte — il y a là matière de temps et de travail — sortir les bagages du coffre, avoir toujours préféré les sacs à dos aux valises, plus facile à disposer dans le coffre, parce que non rigides, et plus éloignés des codes bourgeois — c’est du moins ce que tu voudrais croire — faire un tour au supermarché et tâcher de ne pas avoir à y retourner — c’est avec ce monde-là que tu voudrais couper, mais tu sais que c’est illusoire, ce n’est pas par l’espace que tu t’éloigneras de ce mode de vie, c’est par l’organisation du temps des journées passées ici — mais il t’aura fallu parcourir plusieurs centaines de kilomètres pour y parvenir : les autoroutes ne mènent nulle part, elles sont des sas au dedans desquels nous faisons le vide, nous détachons de l’écorce des jours — faire ou non le choix de disposer ses vêtements dans les placards, commodes et armoires vides — toujours la crainte d’oublier quelque chose en repartant, c’est déjà arrivé — investir ou non le lieu, puiser dans le sac à dos au fur et à mesure des besoins renforçant l’impression de passage, donnant au séjour un peu de l’instabilité du voyage, une illusion de nomadisme — mais aussi ce sentiment qu’on n’est pas chez soi, que remplir les armoires de ses propres vêtements ne permettra pas de s’approprier les lieux — aucun entassement d’objets ne le permettrait : c ?est par le temps passé que à§a se fera, à l’usage — sans rien forcer laisser peu à peu le lieu devenir l’antre où la chaleur, où le repos d’après la randonnée, où préparer le repas, où le coup à boire en rêvassant, où tisonner le feu de la cheminée — et aller chercher les bûches sous un appentis, avec une pile électrique — il te faut marcher dans la nuit pour t’approprier les lieux, pour avoir le sentiment de t’y reconnaître, de t’y retrouver — et c’est parfois peu de temps avant de partir que survient le sentiment de ne plus être en lieu étranger, sinon hostile, quand, polis par le temps et la répétition, les bruits nocturnes, bois qui craquent, parquets, roulis de la mer à proximité, meuglements des bêtes, camion qui vient collecter le lait de la ferme sont devenues habituels, ont trouvé leur place dans la représentation mentale que tu as du lieu

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