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n’est jamais un non-lieu

A Origny, et c’en est màªme étrange, pas l’ombre d’une barre ou d’un lotissement, rien que le plan en Y de deux grandes rues étirées où de petites maisons de briques s’appuient les unes contre les autres, le principal spectacle étant celui de la circulation automobile, à commencer par celle des camions. Une sorte d’esplanade, où se tient l’église, et au fond de laquelle s’ouvre un parc, s’efforce de ressembler à une place, mais rien n’y fait, c’est trop vide, trop vaste, Origny est comme un faubourg qui n’aurait pas de centre et, habité, semble inhabité. On pourrait s’en tirer en disant qu’il s’agit là au fond d’une tristesse assez courante (je me souviens par exemple d’avoir ressenti quelque chose de très proche à Dieuze, dans le Saulnois lorrain), mais ce serait passer à cà´té de ce qu’elle a de spécifique : ce n’est pas à cause du contraste avec l’épisode raconté par Stevenson que j’insiste, mais parce que dans ce dénuement il y a une vérité — pas celle, érigée en inversion automatique, d’une vérité du dénuement qui, comme telle, s’opposerait au luxe, à la facilité, à la facticité, mais la vérité propre du puits sans fond qui fait qu’un lieu, une surface quelconque, n’est jamais un « non-lieu », jamais quelque chose qu’on puisse expédier en trois phrases, màªme si on le fait.
Jean-Christophe Bailly, Le dépaysement

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