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au fil des jours

sur la place de Marennes

Pas qui ne se passe rien sur la place de Marennes : deux terrasses, l’une d’un restaurant, l’une d’un bar-brasserie, du monde forcément le midi, pour l’apéro, casser la croûte, un café avant de retourner au boulot, à Marennes comme ailleurs un midi de juillet, dans ce carré que forment les maisons à étage du centre-ville, on a bien l’impression d’un bourg mais derrière le banc sur lequel on s’est assis on peut lire sous-préfecture au dessus du porche de pierre grise, on n’aurait pas cru d’après la taille de la place, mais pas la taille qui fait la nécessité d’affirmation du pouvoir ou tissage administratif — ne comprendre qu’aujourd’hui, jusqu’en 1926 seulement que sous-préfecture, pour ça que pas de portail fermé pour en interdire l’accès — en écho au centre de la place, statue du politique local, président du conseil général et même ministre, marquis Samuel-Prosper de Chasseloup-Laubat, les touristes, deux couples et une famille, les touristes la prennent en photo, tournent autour, comme dit une gamine dans son portable ils visitent la ville, mais bon en dix minutes c’est fait, tu vois, sans se douter du lien entre le marquis et la Cochinchine, sans rêver qu’on puisse d’une pression du doigt cliquer sur la pierre de la statue, et lire ou partir, plutôt qu’ainsi flâner tournicoter, être enfin en prise avec le monde plutôt qu’en recueillir ou commenter la surface, au moins prendre le temps de s’asseoir, à défaut d’épuisement du lieu éviter le leur, caresser les deux chats errants, le presque chaton qui traîne sur son banc, et le vieux borgne qui reste un peu en retrait, comment le plus jeune vient se frôler aux jambes d’une cycliste qui pousse son vélo, comment elle sursaute et son mari sourit, s’assoient sur un banc et préparent leurs sandwiches — quand il s’arrête le randonneur a faim, économise ses pas — image de ce que nous serons peut-être dans quelques années, quand les enfants partis de la maison, près du banc aux chats un couple de retraités dévorent des triangles de mie de pain salade œuf dur et mayonnaise, emballage supermarché, se disputent pour l’usage d’un mouchoir en papier, et comment lui, vaincu, la suit en traînant la patte, et ce qui d’épuisement, de tristesse, de renoncement, les regarder passer et quitter notre banc pour aller boire un café, femme aux chevaux courts, visage clos d’angoisse, sac plastique à la main, magasin de Niort, sac à main en bandoulière, hésitant avant de s’asseoir, coup d ?œil aux tables autour, chaise qu’elle ne parvient pas à dégager, prise au pied de table, tente avec une autre, deux, puis revient à la première, éviter le face à face, tant bien que mal parvient à dégager le pied, s ?assoit, cherche l’équilibre pour son sac plastique le long d’un pied de table, sac à main en bandoulière sur la chaise, et l’homme la trentaine qui lit le journal et boit ses deux cafés avant de retourner bosser, et les deux couples de motards, la cinquantaine, femmes blondes silencieuses devant un café, très maquillées, hommes corpulents, buvant de la bière, parlant entre hommes, ce qu’ils avaient aperçu en roulant, d’un garage avec BM et Ford Mustang, et le silence des femmes, cette façon faussement nonchalante de s’asseoir, s’ennuyer dignes mais le montrer, éclats de voix des deux tables de buveurs en terrasse, de l’autre cà´té de la rue, et les grands-parents qui ont invité leurs petits enfants au restaurant, deux adolescents, fille et garçon, et la femme seule avec ses deux enfants en bas âge, assise entre eux, droite et son portable à la main, appelant, lisant ses messages, et celle qui est venue apporter des assiettes de bouffe pour les deux chats et que non, elle n’était pas vieille, peut-être pas même quarante, pas comme dans les livres pour enfants.
Pas qui ne se passe à rien à Marennes, mais trouver le moyen de lier ces histoires en germe.





photos Elsa et Etienne

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