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d’écrire

d’aimables poteaux indicateurs

Les écrivains que nous admirons ne peuvent pas nous servir de guides, puisque nous possédons en nous, comme l’aiguille aimantée ou le pigeon voyageur, le sens de notre orientation. Mais tandis que guidés par cet instinct intérieur nous volons de l’avant et suivons notre voie, par moments, quand nous jetons les yeux de droite et de gauche sur l ?œuvre nouvelle de Francis Jammes ou de Maeterlinck, sur une page que nous ne connaissions pas de Joubert ou de Maeterlinck, les réminiscences anticipées que nous y trouvons de la màªme idée, de la màªme sensation, du màªme effort d’art que nous exprimons en ce moment, nous font plaisir comme d’aimables poteaux indicateurs qui nous montrent que nous ne nous sommes pas trompés, ou, tandis que nous reposons un instant dans un bois, nous sentons confirmés dans notre route par le passage tout près de nous à tire-d’ailes de ramiers fraternels qui ne nous ont pas vus. Superflus si l’on veut. Pas tout à fait inutiles cependant. Ils nous montrent que ce qui a paru si précieux et vrai à ce moi tout de màªme un peu subjectif qu’est notre moi œuvrant, l’est aussi, d’une valeur plus universelle, pour les moi analogues, pour ce moi plus objectif, ce tout-le-monde cultivé que nous sommes quand nous lisons, l’est non seulement pour notre monade particulière mais aussi pour notre monade universelle.
Proust, Contre Sainte-Beuve, "Notes sur la littérature et la critique"

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