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micro-fictions

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J’ai croisé un peintre en montant l’escalier, seau de peinture d’une main, avec l’autre tenant un escabeau sur l’épaule. Le gars devait avoir terminé son chantier. J’ai fait ma pause habituelle sur le palier du cinquième, les doigts sciés par mes deux sacs de courses. Plus que quatre à gravir. Le syndic finirait bien un jour par faire réparer l’ascenseur. J’ai failli repartir aussi sec, à cause de l’odeur, les poumons pris par une de ces horreurs qu’ils mettent dans les peintures. C’était de là que venait le gars croisé plus bas. La porte avait été laissée entrebâillée. Il avait sans doute encore des trucs à descendre. Je suis entré par curiosité. Du moins je vois pas d’autre explications. Tous les appartements de l’immeuble sont sur le même modèle. Peut-être le désir de franchir le seuil. Rien que ça, déjà ... J’ai poussé la porte du dos de la main, mis le pied dans le couloir d’entrée. Je serais sans doute ressorti si je n’avais pas entendu des pas qui dévalaient les marches. J’ai pénétré dans l’appartement et repoussé la porte, qu’on ne me voie pas. Les murs du couloir d’entrée étaient nus, repeints de frais. La même odeur de peinture se dégageait de la cuisine, vide. Au bout du couloir, dans l’entrée de la salle à manger, un seau dans lequel trempaient pinceaux et rouleaux. Le gars allait remonter. Je lui expliquerais comment ma présence ? J’ai pensé au placard du couloir : assez grand pour pouvoir y tenir debout. Quelqu’un montait l’escalier. Lui sans doute. S’il voyait se refermer la porte du placard... Je me suis précipité dans la salle à manger, avec l’idée d’un meuble derrière lequel me dissimuler. Vide elle aussi, mis à part des étagères de livres sur le mur du fond. Je me suis plaqué à la cloison, ai tenté de contrôler ma respiration. Qu’il ne m’entende pas. Le gars sifflait un air. Je l’ai entendu qui s’éloignait. La porte d’entrée a claqué. J’étais pris au piège, seul dans cet appartement avec mes sacs à provisions et quelques centaines de bouquins. Pris au piège sans vraiment l’être : sur le balcon de la salle à manger avait été accrochée une pancarte annonçant la vente de l’appartement, et sur laquelle figurait le numéro de téléphone de l’agence. Mais je laissai mon téléphone au fond de ma poche, habité par la réminiscence de ces après-midi passées au fond du jardin familial sous une tente faite de couvertures et de vieux draps accrochés aux branches du noyer et soutenues par quelques perches qui servaient à ramer les haricots, avec un un bout de pain, quelques carrés de chocolat et un Jules Verne, disponible à l’aventure.

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