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traversée Balzac

Un début dans la vie

Où Balzac comprend les bascules de son temps (et ouvre ainsi son récit) :
Les chemins de fer, dans un avenir aujourd’hui peu éloigné, doivent faire disparaître certaines industries, en modifier quelques autres, et surtout celles qui concernent les différents modes de transport en usage dans les environs de Paris.

Où l’objet du passé devient objet d’étude :
Aujourd’hui le coucou, si par hasard un de ces oiseaux d’un vol si pénible existe encore dans les magasins de quelque dépeceur de voitures, serait, par sa structure et ses dispositions, l’objet de recherches savantes, comparables à celles de Cuvier sur les animaux trouvés dans les plà¢trières de Montmartre.

Où l’objet révèle le social :
Les boiseries, réchampies en grosse peinture à la colle et d’un blanc rouge qui empà¢te les moulures, les dessins, les figurines, loin d’àªtre un ornement attristaient le regard. Le parquet, qui ne se cirait jamais, était d’un ton gris comme les parquets de pensionnat. Quand le voiturier surprit monsieur et madame Clapart à table, leurs assiettes, leurs verres, les plus petites choses accusaient une effroyable gàªne ; néanmoins ils se servaient de couverts d’argent ; mais les plats, la soupière, écornés et raccommodés autant que la vaisselle des plus pauvres gens, inspiraient la pitié.

Où chacun varie :
Il n’existe pas, ou plutà´t il existe rarement de criminel qui soit complètement criminel. à€ plus forte raison rencontrera-t-on difficilement de malhonnàªteté compacte. On peut faire des comptes à son avantage avec son patron, ou tirer à soi le plus de paille possible au rà¢telier ; mais tout en se constituant un capital par des voies plus ou moins licites, il est peu d’hommes qui ne se permettent quelques bonnes actions. Ne fà »t-ce que par curiosité, par amour-propre, comme contraste, par hasard, tout homme a eu son moment de bienfaisance, il le nomme son erreur, il ne recommence pas ; mais il sacrifie au Bien, comme le plus bourru sacrifie aux Grà¢ces, une ou deux fois dans sa vie.

Où toujours le nom :
le facteur apparut remorquant un gros homme du poids de cent vingt kilogrammes au moins. Le père Léger appartenait au genre de fermier à gros ventre (...) Vous vous appelez le père Léger ? dit sérieusement Georges quand le fermier tenta de mettre un de ses pieds sur le marchepied.

Monsieur le comte... dit Pierrotin visiblement embarrassé, vous serez mal. (...) Monsieur de Sérisy fut évidemment pris par tous les voyageurs pour un bourgeois qui s’appelait Lecomte.

Où certains jouent sur les apparences :
La dépendance dans laquelle leur place mettait les Moreau se trouvait donc adroitement dissimulée ; et ils avaient d’autant plus l’air de gens riches gérant pour leur plaisir la propriété d’un ami, que ni le comte ni la comtesse ne venaient rabattre leurs prétentions ; puis, les concessions octroyées par monsieur de Sérisy leur permettait de vivre dans cette abondance, le luxe de la campagne.

Où les peintres déjouent la dissimulation :
Mistigris commenà§ait à se rebeller intérieurement contre le ton protecteur de la belle régisseuse ; mais il attendait, ainsi que Bridau, quelque geste, quelque mot qui l ?éclairà¢t, un de ces mots de singe à dauphin que les peintres, ces cruels observateurs-nés des ridicules, la pà¢ture de leurs crayons, saisissent avec tant de prestesse. Et d ?abord, les grosses mains et les gros pieds d ?Estelle, la fille de paysans des environs de Saint-Là´, frappèrent les deux artistes ; puis, une ou deux locutions de femme de chambre, des tournures de phrase qui démentaient l ?élégance de la toilette, firent promptement reconnaître au peintre et à son élève leur proie

Où le personnage se construit aussi par sa généalogie :
Bridau ! s’écria le ministre frappé par un souvenir : seriez-vous parent d’un des plus ardents travailleurs de l’Empire, un Chef de Division qui a succombé victime de son zèle ? _Son fils, monseigneur, répondit Joseph en s’inclinant.

Où il est question d’enseignement :
Aux yeux des bourgeois, remporter des prix est la certitude d’un bel avenir pour un enfant.

Où Balzac se fait le défenseur des chà¢timents corporels (mais se fait prudent) :
Le lendemain, il ne trouva pas la nature aussi changée qu ?il le croyait, et il fut étonné d ?avoir faim, lui qui se regardait la veille comme indigne de vivre. Il n ?avait souffert que moralement. à€ cet à¢ge, les impressions morales se succèdent avec trop de rapidité pour que l ?une n ?affaiblisse pas l ?autre, quelque profondément gravée que soit la première. Aussi, le système des punitions corporelles, quoique des philanthropes l ?aient fortement attaqué dans ces derniers temps, est-il nécessaire en certains cas pour les enfants ; et d ?ailleurs, il est le plus naturel, car la nature ne procède pas autrement, elle se sert de la douleur pour imprimer un durable souvenir de ses enseignements. Si, à la honte malheureusement passagère qui avait saisi Oscar la veille, le régisseur eà »t joint une peine afflictive, peut-àªtre la leà§on aurait-elle été complète. Le discernement avec lequel les corrections doivent àªtre employées est le plus grand argument contre elles ; car la nature ne se trompe jamais, tandis que le précepteur doit errer souvent.

Où encore et toujours la nostalgie d’un pan du dix-huitième :
Le père Cardot appartenait en effet à cette race de Gérontes égrillards qui disparaît de jour en jour et qui défrayait de Turcarets les romans et les comédies du dix-huitième siècle. L ?oncle Cardot disait : Belle dame ! il reconduisait en voiture les femmes qui se trouvaient sans protecteur ; il se mettait à leur disposition, selon son expression, avec des faà§ons chevaleresques. Sous son air calme, sous son front neigeux, il cachait une vieillesse uniquement occupée de plaisir. Entre hommes, il professait hardiment l ?épicuréisme et se permettait des gaudrioles un peu fortes. Il n ?avait pas trouvé mauvais que son gendre Camusot fît la cour à la charmante actrice Coralie, car lui-màªme était secrètement le Mécène de mademoiselle Florentine, première danseuse du théà¢tre de la Gaîté. Mais de cette vie et de ces opinions, il ne paraissait rien chez lui, ni dans sa conduite extérieure. L ?oncle Cardot, grave et poli, passait pour àªtre presque froid, tant il affichait de décorum, et une dévote l ?eà »t appelé hypocrite. Ce digne monsieur haà¯ssait particulièrement les pràªtres, il faisait partie de ce grand troupeau de niais abonnés au Constitutionnel, et se préoccupait beaucoup des refus de sépultures. Il adorait Voltaire, quoique ses préférences fussent pour Piron, Vadé, Collé. Naturellement il admirait Béranger, qu ?il appelait ingénieusement le grand pràªtre de la religion de Lisette.

Où les personnages vieillissent plus ou moins bien :
Certes, Pierrotin, l ?entrepreneur des services de la vallée de l ?Oise, et qui la desservait en passant par Saint-Leu-Taverny et l ?Isle-Adam jusqu ?à Beaumont, devait difficilement retrouver dans cet officier au teint bronzé le petit Oscar Husson qu ?il avait mené jadis à Presles. Madame Clapart, enfin veuve, était tout aussi méconnaissable que son fils.
Pierrotin, quoique à¢gé de cinquante-six ans, avait peu changé. Toujours vàªtu de sa blouse, sous laquelle il portait un habit noir, il fumait son brà »le-gueule en surveillant deux facteurs en livrée qui chargeaient de nombreux paquets sur la vaste impériale de sa voiture.

Où le personnage d’Oscar incarne le bourgeois moderne :
Oscar est un homme ordinaire, doux, sans prétention, modeste et se tenant toujours, comme son gouvernement, dans un juste milieu. Il n ?excite ni l ?envie ni le dédain. C ?est enfin le bourgeois moderne.

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