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vases communicants

vases communicants | Eve de Laudec

sentinelle

Aujourd’hui, vase communicant avec Eve de Laudec avec pour point de départ à l’écriture un mot : sentinelle. Mon texte chez elle.
Un grand merci à Brigitte Célérier qui a comme chaque mois établi la liste des vases communicants du mois.


Espèce : sentinelle. Espèce écho logique dont la sensibilité auditive et visuelle épie les sons poéticopathétiques du prisonnier et sert d ?indicateur précoce aux changements d ?humeur.

Humeur. Humer. Sentine. Elle se fige dans son cloaque suintant.
Entendre jeudi murmurer.
Quelques cris parviennent, assourdis, vite étouffés dans l ?épaisseur de la pierre chà¢telaine.
Cachot où la gargouille stomacale est l ?unique compagne d ?amertume.
Elle se colle sous séquestre et sous le soupirail, dans l ?espoir de…

Oui ! C ?est l ?instant ! Le soleil-sentinelle fragmente la guipure du grillage, allume la mèche.


L ?oblique rayonnant brà »le ses cils, un sirop de coton coule dans sa gorge.
La geà´le béton se raye poudreuse d ?escampette entre les barreaux.
En capturer les reflets pour colorer les murs funéraux.
Dénouer le fil de fer du libre-arbitre.
Juste jouer à y croire. Juste croire que ràªver, c ?est déjouer.
De ses doigts aveugles l ?internée tisse des ailes lumineuses.

à‰bouriffer le duvet et attendre le filet d ?air ascendant.
S ?éclipser en douceur, hors surveillance, et entonner le roucoulis d ?un gigantesque éclat de rire.
L ?oiseau verdissant a heurté l ?incertitude du soleil. Tombé au sol, il rebondit vers les rivées tropicales, enfin libéré…
Jusqu ?à l ?instant bousculé,
où l ?astre disparaîtra dans l ?angle nord mort de l ?heure évanouie.
Otage de ses yeux clos, elle replie ses poumons effrayés,


sous le regard sévère des contrà´leurs tubulaires, casqués d ?abat-jour zingué.

Scrutateurs citadelle, aux orbites creuses de samoura௠ricanant, leurs ignobles imprécations béantes dégueulent à griser le ciel.
Ces gardes-chiourme préviennent tout risque d ?échappées dantesques, garants d ?une stricte uniformité pour les traversées sans remous, sans coups de semonce, sans coup de foudre.

Pourtant la vigie n ?a su retrouver le phare, ni éviter les brisants.
Envahie de peine ombre la galère vogue vers les abysses.

Dressée sur sa queue de sirène corallienne, les bras large ouverts, la gardienne écumeuse attire ses nouveaux prisonniers. Clouant en croix les paumes du navire écartelé, elle engloutit le squelette craquant. Puis reprend son inlassable guet, livide, imperturbable, inexorable juge des innocents.

Commence alors la grand-messe sabbatique. Au faîte des promontoires, dans les cercles sacrés, les veilleurs d ?enfer attisent les feux, chevauchent les bois bandés, chassent le droit chemin viscéral.
Ils contrà´lent les passages libertaires libertins, inspectent les ténèbres, pistent les à¢mes déviantes dans la brumée, màªlant semence de la terre démoniaque à la virginité du ciel embrasé.
Hallucinés, en transe, ils conduisent leurs danses folles jusqu ?à épuisement…

Silence.
Des années ont passé, peut-àªtre quelques secondes.


Peut-on jamais s ?affranchir d ?une surveillance ?...
Halte ! Vous ne passerez pas.

Couvertes de bleus, les sentinelles-esclaves, au garde-à -vie, dessinent à contre-tempo les sillons d ?une histoire.
Sur le sable, devant elles, gisent leur ombre.
Leur main aérienne trie un à un les grains du désert, et remplit les failles d ?une cellule camisolée.

Eve de Laudec, 24 avril 2013

Nota bene.
Les tableaux de la croix et des feux sont de Zdzislaw Beksinski
Le tableau intitulé « Mon tendre, mon merveilleux oiseau, maintenant tu peux partir rejoindre les étoiles » est de Guy Garnier)
Les autres photos sont collection personnelle et montage de Michel Bonnargent.

Voir en ligne : la liste des vases communicnats de mai 2013

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