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vases communicants

c’est quand qu’on va mourir

vases communicants novembre 2009


C’est quand qu’on va mourir ? C’est la seule question. C’est quand qu’on va mourir ? La seule question à partir d’un moment. En espérant que à§a soit toujours le plus tard possible. Mais on voudrait bien savoir. Combien de temps il reste.

Je ne connaissais rien il y a dix ans à cette musique. J’écoutais à peine. Je n’étais pas sà »r d’y comprendre grand chose d’ailleurs à la première écoute. Le post-rock, c’était nouveau pour moi tout à§a. J’avais du retard à rattraper. Cette musique instrumentale si belle qui me faisait obligatoirement penser à ces vieux disques de progressif que j’écoutais quand j’avais 15 ou 16 ans.

Il y a dix ans tu vois, je ne me la posais pas la question. C’est quand qu’on va mourir ? Je n’y pensais màªme pas. Màªme pas. Parfois je me dis que je commenà§ais juste à vivre.

La question elle vient après, plus tard, pas tant que à§a mais un peu. Avec le temps, les rides aux plis des yeux, les cheveux blancs, la fatigue, les douleurs. Elle vient surtout quand on a justement plus du tout envie de mourir. Avant on s’en serait presque totalement foutu. Et puis là , non, ce n’est plus le cas. à‡a doit àªtre pour à§a la question.

Tout à§a je n’y pensais pas, quand j’écoutais Godspeed You Black Emperor pour la première fois. C’était presque dans le square du Luxembourg à Paris, il faisait beau cet après-midi là , il m’a coà »té une vie. Cet après-midi là m’a coà »té une vie. Je crois qu’elle ne valait pas très cher. Mais quand màªme. Il y a des instants comme à§a.

Sur la pochette du disque il y avait des lettres dans un alphabet étranger. Je n’entendais pas les notes mais juste en passant les doigts sur les renflements de la pochette je les devinais.

C’était marrant d’ailleurs comme c’était un truc personnel cette musique. Pas quelque chose que l’on veut partager. Un truc que l’on garde pour soi. Presque à cause de la honte de montrer ses sentiments.

C’était peut àªtre finalement, juste des vieux espoirs endormis se réveillant mais après tout pourquoi pas. On les avait gardés là au chaud, durant tant d’années. On ne peut pas leur en vouloir. Il fallait les faire sortir à un moment donné si on ne voulait pas qu’ils moisissent à l’intérieur.

Tu vois, ce terrible morceau d’A Silver Mt. Zion je crois que c’est un peu à§a. Ce sont tous les espoirs que l’on a gardé à l’intérieur pendant si longtemps, qui un jour s’évadent parce qu’ils n’en peuvent plus d’àªtre là . Peut àªtre parce que nous aussi on n’en pouvait plus de les garder enfermés. C’est peut àªtre à§a, ce qu’elles veulent dire les cordes de ce morceau.

Je n’aurais jamais cru qu’il y avait à§a dans la musique de ces Canadiens, une partie de ceux qui jouaient dans Godspeed You Black Emperor !, là dans A Silver Mt. Zion, je sais ce n’est pas toujours simple. Cette musique que je devinais en passant mes doigts sur les renflements de la pochette de Slow Riot For New Zero Kanada, cette pochette qui s’ouvrait à l’envers pour nous occidentaux. Les pochettes qui s’ouvrent à l’envers je crois qu’elles changent le cours de l’existence.

On en est là on vit on vieillit. On se pose des questions qu’il ne faudrait pas. Le soir tard je mets ce disque et j’essaye de ne pas me poser la question. La mauvaise question. C’est quand qu’on va mourir ? Parce qu’elle fait penser à à§a cette musique. Me demande pas pourquoi. Je crois bien que dans ces violons là , je retrouvais quelque chose d’un vieux disque de l’adolescence. Mais à§a n’explique rien.

A Silver Mt. Zion est venu après, ensuite, plus tard, comme les questions, après avoir perdu une vie mais tout est lié. La vie c’est à§a parfois. La musique aussi. Ce piano, ces autres instruments qui se fondent dans les larmes, c’est comme une vie qui défile si tu écoutes bien.

Ce disque il ne sortirait que deux ans plus tard, au moment où on commencerait vraiment à comprendre cette nouvelle vie. Le vinyle est en 10". 10 pouces. à‡a fait à peu près 25cm. Chez nous on dit c’est un 25 cm. C’est un format modeste. Pour se cacher derrière les autres. La discrétion c’est une qualité de plus en plus rare.

On tire des traits invisibles dans nos existences entre des faits anodins. Des points comme des numéros que l’on relie d’un trait de crayon de bois hésitant. On n’a pas encore fini la figure mais on devine à quoi elle ressemble, c’est là que l’on se pose la question. C’est quand qu’on va mourir ? Parce que l’on sait que le dessin sera bientà´t fini. Màªme si on ralentit le trait du crayon pour que à§a traîne. On tire des traits invisibles. Le plus lentement possible.

KMS

Mon texte sur Kill Me Sarah.

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